Je republie un excellent article de Maryvonne Soudy (voir son profil sur linkedin) paru dans la NEWSLETTER 73 de l’association AGIR abcd, en date du 19 décembre 2023.
C’est un débat qui n’en finit pas de renaître, aussi résurgent que le monstre du loch Ness : « il faut bouter les anglicismes hors de France ! » ainsi le mot Newsletter continue-t-il de faire des vagues parmi nos lecteurs. Et pourtant…
Le mot « News-letter » a été inventé à Boston en 1704.
Qui s’offusquerait aujourd’hui de l’emploi de mots anglais comme spleen, challenge, look, puzzle, clown, etc. ?
En fait, comme pour les migrants, c’est l’ancienneté qui fait la légitimité. Quand un mot d’origine anglaise est intégré depuis longtemps, comme club ou record, est-ce encore un anglicisme ?
Or, c’est surtout au XXème siècle que l’anglais a acquis le statut de langue internationale et s’est imposé dans notre quotidien, suscitant souvent des réactions de rejet.
Envahisseur ou envahi ?
Le vocabulaire anglais est formé pour 60 % de mots français, hérités de la conquête de Guillaume qui imposa le normand à la cour d’Angleterre. Nous le savons bien, nous qui, à la recherche d’un mot anglais oublié, nous contentons souvent de tenter l’emploi d’un mot français avec l’accent de Londres : emotion, village ou impossible.
Le français, lui, comporte environ 5 % de mots anglais. Les anglicismes, de plus, c’est souvent un prêté pour un rendu. Comme le mot tennis, du mot tenez adressé à l’adversaire au jeu de paume ou budget, issu du français bougette (petite bourse).
Certains anglicismes d’ailleurs ont été abandonnés : ordi(nateur) a supplanté computer, et boîte a envoyé night-club aux oubliettes. Preuve qu’une langue vit sa vie, en piochant et prenant tout ce qui passe. Elle prend beaucoup, mais le temps fait son effet et elle ne garde que ce qui est pertinent. Une « langue morte » étant celle qui ne crée plus de mots.
Un danger d’exclusion ?
C’est souvent l’argument avancé par ceux qui s’indignent : la fracture générationnelle ! Mais notre langue invente chaque jour des mots
nouveaux et, qu’ils soient empruntés à l’anglais ou créés à partir de nos racines, chacun de nous s’adapte, cultivant son agilité d’esprit.
Ainsi, il a fallu récemment intégrer les néologismes distanciel, éco-anxiété ou covoiturer…
Devons-nous récuser Newsletter ? Ce mot n’a rien d’anglo-saxon, mais tire son origine du latin : « novus » (nouveau) et « littera » (lettre). Suivons donc la devise (anglaise !) : Honni soit qui mal y pense !
Et laissons le mot de la fin à Victor Hugo : « La langue française n’est pas fixée et ne se fixera point. Une langue ne se fixe pas. L’esprit humain est toujours en marche, ou, si l’on veut, en mouvement, et les langues avec lui ». (Cromwell – Préface).
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