Un ingénieur français travaillant dans l’intelligence artificielle dans la Silicone Valley remarquait cette semaine qu’il y avait de moins en moins d’ingénieurs américains dans son équipe et de plus en plus d’Indiens, de Chinois, de Coréens. Il y voyait une explication : depuis leur plus jeune âge les Américains sont encouragés par le pédagogisme ambiant – « tu es merveilleux mon fils » – même s’ils sont nuls. Arrivés à l’âge adulte ils sont encouragés à l’Université – « ce que tu fais est formidable » – même si leur production est insignifiante. Entrés dans l’entreprise on les encourage encore en leur disant que ce qu’ils font est « exceptionnel ». Et un jour le couperet tombe : on les vire car on s’est rendu compte qu’ils étaient très mauvais et que leur insuffisance remontait à l’acquisition des savoirs fondamentaux. Et on les remplace par des Indiens.
En France, nous en sommes au même point. Les résultats annuels de l’étude Pisa sont sans appel : en mathématiques les 5% des meilleurs élèves d’aujourd’hui sont à peine au niveau des élèves moyens d’il y a 30 ans, et les élèves moyens au niveau des plus mauvais d’hier. En sciences de la vie, idem. En français et en philo, n’en parlons pas. Et pourtant les résultats au bac sont exceptionnels… Cherchez l’erreur : elle tient à la même cause qu’aux USA, le pédagogisme qui veut faire de chaque enfant depuis 40 ans un être exceptionnel qui a droit à toute la bienveillance de ses aînés même si son savoir et son intelligence sont des plus mauvais. Arrivé à l’âge adulte, cet être exceptionnel, paré de son inculture n’a jamais été confronté à l’échec.
Investi des pouvoirs formidables que lui donnent les réseaux sociaux, cet imbécile patenté et encensé par l’Education Nationale se croit investi d’une mission : donner son avis sur les avancées les plus prodigieuses de la science, remettre en cause les études des plus grands chercheurs, défier la communauté scientifique. Il n’a, bien entendu, pas le début du commencement de la moindre compétence dans aucun domaine, à commencer par la médecine, ni le bagage théorique minimal pour comprendre ce qu’est une série statistique ou une probabilité.
Ajouter à cela une méconnaissance complète des grands mouvements de l’Histoire, il s’autorise à se comparer à un résistant, ou à voir dans nos gouvernants des apprentis dictateurs. Son civisme et sa moralité, pour autant qu’il en ait jamais eu, ont été systématiquement démolis depuis 30 ans par le droit des minorités qui tend à s’imposer à la majorité et il se vit désormais en héros révolutionnaire. Parce que « sa voix compte ». Parce qu’il a « quelque chose à dire ». Même une énorme connerie.
L’inculture générale règne. Chaque année 600 000 bacheliers sortent de l’enseignement secondaire. Ils n’ont qu’une très vague idée de qui est Jean Moulin, de ce pourquoi il est mort. Ils ne savent pas comment fonctionnent une cellule animale et comment y pénètre un virus. Ils n’ont aucune idée de ce qu’est une loi de distribution normale… Toutes choses qui sont pourtant au programme et qu’ils n’ont jamais apprises. Mais on leur a dit qu’ils étaient « formidables ». Alors Ils parlent, ils postent leur tweets vengeurs et ils refusent de se faire vacciner « parce qu’on n’a pas assez de recul ». Ils refusent le pass sanitaire parce « qu’on vit en dictature » et plus ils parlent, plus on les écoute parce que « la parole de chacun est précieuse ».
Notre pays a été à l’origine de l’esprit des lumières, des plus grandes avancées de la science et de la médecine. Nous avons longtemps été à la pointe de l’innovation. Nous sommes désormais à la queue des classements internationaux. Le mouvement antivax, la révolte contre le pass sanitaire ne sont pas des accidents de l’Histoire. Ils sont le symptôme d’un spectaculaire basculement de notre pays dans l’ignorance.
Marc Wluczka, médecin de santé publique